Le Kavigan : Un joyau des festivals folkloriques bengalis

Sondre Borg
Sondre Borg - Writer
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Le Kavigan (Bengali : কবিগান), également connu sous les noms de Kobi Gaan, Kobi Lorai ou Kabigan, est une forme unique d’art performatif dans le cadre des festivals folkloriques bengalis. Cette tradition, qui remonte à plusieurs siècles, se caractérise par un concours verbal entre des poètes, appelés « kaviyal » ou « sarkar », qui se livrent à une joute musicale. Née dans la région bengalie, qui inclut l’État indien du Bengale-Occidental et le Bangladesh, cette forme d’art reste un élément essentiel de la culture rurale de la région. Dans cet article, nous allons explorer les caractéristiques, l’histoire, la musique et l’évolution du Kavigan, une forme d’expression mystique et populaire qui unit poésie, musique et émotions.

Qu’est-ce que le Kavigan ?

Le Kavigan est un concours poétique où deux groupes de poètes s’affrontent avec des vers improvisés. Chaque groupe est dirigé par un « kaviyal », le chef de l’équipe, tandis que les « dohar », les chanteurs d’accompagnement, répètent les mots du leader. Cette forme de duel verbal exige non seulement des talents lyriques, mais aussi une profonde connexion avec le public, créant ainsi une atmosphère de compétition et de communauté.

La structure du Kavigan

Un programme de Kavigan suit une structure traditionnelle, qui commence par la « Bandana », une louange adressée à des figures divines telles que Saraswati, Ganesh ou même le public, selon la situation. Ensuite, un thème en rapport avec Radha et Krishna est chanté, appelé « Agamani ». Cette chanson prépare le terrain pour des thèmes plus profonds et plus orientés vers la compétition qui suivent.

Les quatre principaux thèmes du Kavigan sont :

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  1. Sakhi Sambad : Chansons sur l’amour entre Radha et Krishna.
  2. Biraha : Chansons exprimant la douleur humaine de la séparation.
  3. Lahar : Un thème rempli de compétition où les poètes se défient verbalement.
  4. Kheur : Un thème impliquant les dieux et déesses, souvent avec un ton satirique ou des jeux de mots.

Lorsque le moment de la « Lahar » arrive, la concurrence entre les poètes atteint son apogée. C’est à ce moment que les poètes se lancent des attaques et des réponses sous forme de chansons, chacun essayant de surpasser l’autre avec plus de vivacité et de créativité. Le poète qui réussit à convaincre le public par son ingéniosité et sa créativité est déclaré vainqueur.

Origines et évolution

L’histoire du Kavigan remonte au XVIIIe siècle, lorsque cette forme d’art a émergé sous l’influence de différents courants locaux comme le « Tarja », le « Panchali » et l’« Akhrai ». Selon le chercheur Dr. Sushil Kumar Dey, le Kavigan a connu son apogée entre 1760 et 1830, lorsque les « kaviyals » prospéraient dans les villages et petites villes de la région bengalie. À cette époque, le Kavigan est devenu une forme populaire de divertissement, en particulier dans les zones rurales.

Bien que le Kavigan ait perdu de la popularité dans les grandes villes comme Kolkata, il reste une tradition vivante dans les villages. C’était un moyen pour les poètes de se connecter avec la population, d’exprimer leurs pensées et leurs sentiments à travers la musique et la poésie. Grâce à ces concours, les poètes pouvaient aborder des sujets aussi bien mythologiques que quotidiens, et utiliser la poésie comme un moyen de critique sociale et de réflexion spirituelle.

Les Kaviyals : Poètes célèbres

Le Kavigan a donné naissance à de nombreux poètes (kaviyals) qui ont acquis une grande renommée dans l’histoire de la culture bengalie. Parmi les premières figures figurent Lokokabi Lambodar Chakroborty et Gonjla Guin. Au XIXe siècle, des personnalités comme Haru Thakur, Nitai Vairagi, Ram Basu et Bhola Moira sont devenues célèbres pour leurs interprétations du Kavigan.

Bhola Moira était particulièrement connu pour sa capacité à captiver le public avec sa musique et sa poésie. Même Ishwar Chandra Vidyasagar, l’un des plus grands réformateurs sociaux de l’époque, louait Bhola Moira pour sa capacité à toucher le cœur du peuple bengali. L’importance des « kaviyals » dans la société de cette époque se reflétait dans le fait qu’ils influençaient la pensée populaire et inspiraient aussi bien les masses que les intellectuels et les figures dirigeantes.

L’une des figures les plus uniques du Kavigan était Anthony Firinghee, un poète portugais qui est devenu une figure clé du Kavigan. Sa vie fut si marquante que des films ont été réalisés sur lui, mettant en avant son influence sur la musique et la poésie bengalies.

Les instruments de musique dans le Kavigan

La musique est un élément essentiel du Kavigan. Traditionnellement, divers instruments de musique bengalis sont utilisés, comme le « Dhaak » (un instrument à percussion traditionnel), l’« Harmonium », les « Kansi » (des cloches) et le « Mandira » (un petit tambour). Ces instruments accompagnent les poètes lorsqu’ils chantent, ajoutant profondeur et émotion aux compétitions.

La musique ne sert pas seulement d’accompagnement aux paroles, elle intensifie aussi l’atmosphère du concours, permettant aux poètes de répondre aux attaques de leurs adversaires avec plus d’intensité et d’expression.

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La signification sociale du Kavigan

Le Kavigan n’était pas seulement une forme de divertissement, mais aussi un moyen de critique sociale et de réflexion. Pendant la période coloniale et avant l’indépendance de l’Inde, de nombreux poètes ont utilisé leurs vers pour dénoncer les injustices sociales et les problèmes politiques. Les thèmes abordés dans le Kavigan allaient de l’amour et de la religion à la critique sociale et aux enjeux nationaux.

En période de luttes politiques et sociales, le Kavigan servait aussi de moyen de résistance. Des poètes comme Mukunda Das, un célèbre « Charan Kavi », ont inspiré le peuple par leurs chansons à soutenir le mouvement d’indépendance indien.

Le Kavigan aujourd’hui

Bien que le Kavigan ne soit plus aussi populaire dans les grandes villes, il demeure un élément clé de la culture rurale du Bengale-Occidental et du Bangladesh. Dans les villages, le Kavigan continue d’être pratiqué, bien que dans un cadre plus réduit. Les compétitions de Kavigan restent une forme d’expression culturelle importante, qui unit les gens à travers la musique et la poésie.

Aujourd’hui, certains artistes tentent de revitaliser cette forme d’art en y intégrant des éléments modernes, tout en préservant l’essence traditionnelle du Kavigan. Cependant, le défi réside dans la préservation de l’authenticité de la tradition tout en attirant de nouvelles générations.

Le Kavigan est l’une des traditions les plus fascinantes et vivantes de la musique bengalie. À travers ses duels verbaux complexes et sa profonde connexion avec la culture populaire, le Kavigan a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique et de la poésie bengalies. Bien qu’il ait évolué au fil du temps, il demeure une expression puissante de l’âme du peuple bengali, qui continue d’utiliser la poésie et la musique comme moyens d’auto-expression et de solidarité communautaire.

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